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Partitions & uniformes de la musique des Grenadiers de la Garde

Que jouaient-ils ?

La fin du 18e et le début du 19e siècles fut une période charnière dans l’évolution de la technologie instrumentale. Une révolution technique a renouvelé les types et modes d’instruments utilisés pour aboutir à ceux qui composent les orchestres depuis, en gros, la 2e moitié du 19e siècle.

Les musiciens étaient confrontés à un double problème : la justesse très relative de leurs instruments et leur manque de puissance sonore. L’invention des pistons, leur ajout et celui de clefs pour la famille des cuivres allait permettre l’émergence d’une toute nouvelle gamme.

Leur puissante sonorité allait rapidement mettre au rebut la plupart des instruments à vent qui composaient les orchestres militaires jusque dans les années 1820-1830. Ceci allait aussi avoir un effet en retour, car leurs caractéristiques devaient directement influer sur les compositions et aboutir à ce style particulier et spécifique que nous appelons « la musique militaire ».

Ce n’était pas le cas entre 1789 et 1815, et Kastner dans son « manuel général de musique militaire » décrit bien les difficultés alors rencontrées.

Le manque de justesse des interprétations provenait de l’usage de cuivres « naturels » : trompette, cor, trombones pour lesquels il fallait d’excellents artistes expérimentés. Les instruments étaient souvent en plus, de médiocre qualité !

Deux témoignages d’époque montrent bien cela.

Chevillet, trompette de chasseurs raconte dans ses mémoires que, musicien régimentaire par ailleurs, il répare sa clarinette en lui adjoignant des clefs « bricolées » en plomb !

À l’île d’Elbe, la première musique rassemblée par le chef de musique, Godiano est un véritable naufrage musical qui irrite l’ex-Empereur au plus haut point. En fait, comme toujours économe, celui-ci n’a pas alloué un budget suffisant et « il en résulta un tel charivari, qu’ils ne purent continuer, chacun ayant un instrument, non seulement en très mauvais état, mais de différentes factures » (histoire de l’ex-garde).

Pour la musique de la Garde, les instruments n’étaient plus achetés par les musiciens, mais par le corps et, bien entendu, on se fournissait auprès des meilleurs facteurs.

Comme on l’a vu par leur composition, les musiques étaient dominées par les clarinettes qui étaient par leur conception des instruments aux sonorités plus justes mais assez aigues. À celles-ci on ajoutait hautbois, flûtes, cors et trompettes qui étaient aussi dans les aigus. Il fallait pour l’équilibre ajouter des basses, d’où la présence de bassons, trombones et enfin serpents. Ce dernier instrument qui a totalement disparu de nos jours avait une sonorité profonde et douce, mais pas forcément très juste. Il était d’abord apparu dans les églises où il accompagnait avec gravité et une très relative puissance les chants liturgiques.

S’ajoutaient à tous ces instruments à vent, un éventail de plus en plus conséquent de percussions. Les instruments à peau tendue : grosse caisse, caisse roulante, claire etc. accompagnaient depuis longtemps les harmonies militaires. La mode des harmonies à la turque, présente depuis le 17e siècle avait conduit à l’ajout de cymbales, « chapeau chinois » et triangle. Le dernier ajout, de plus en plus populaire sous l’Empire fut le « tambour de basques » que nous appelons aujourd’hui communément, tambourin.

Le manque de puissance des instruments à vent obligeait à augmenter le nombre d’instrumentistes. Il est évident que l’effectif réglementaire limité à 8 ne pouvait guère donner un résultat satisfaisant et que, une vingtaine d’exécutants semblait un minimum.

Avec plus de quarante instrumentistes, la musique de la garde donnait pleinement satisfaction.

Le chef de musique était lui aussi un instrumentiste, généralement clarinettiste, et dirigeait l’exécution en tenant son instrument. Le représenter une baguette de chef d’orchestre à la main (comme pour certaines compositions artistiques) est donc un véritable anachronisme. En effet, même pour les orchestres « civils », la baguette ne commença à être utilisée qu’après 1820 !

La musique de la garde était requise pour toutes les grandes cérémonies. On pense en particulier au sacre de 1804 et au mariage de 1810. Mais elle exécutait aussi des sérénades pour le premier consul, puis l’Empereur. Enfin en 1815, le 3 avril, lors d’une manifestation d’officiers en soutien à l’Empereur, les tambours et la musique de la garde emmenèrent le cortège jusque sous les fenêtres du souverain aux Tuileries.

Quels airs étaient donc joués par la musique ? La littérature au sujet de la musique militaire impériale cite le plus souvent « j’aime l’oignon frit à l’huile », « la victoire est à nous », « la marche du sacre » etc. Certes, ces airs furent joués, mais il faut nuancer ce propos et en revenir autant que possible aux sources contemporaines.

Tout d’abord, il faut rappeler que la notion de musique spécifiquement militaire est une notion qui ne date vraiment que du milieu du 19e siècle, suite à l’introduction massive des nouveau instruments de la famille des cuivres. Comme nous l’avons vu, les musiciens n’étaient pas des militaires, mais d’abord des artistes, à la large culture musicale et qu’on retrouvait aussi dans les orchestres des théâtres.

C’est ainsi que « la victoire est à nous » provenait de quelques mesures de « la caravane du Caire » opéra-comique de Grétry datant d’avant la Révolution.

Ce n’est pas le seul exemple de ce type et il n’est pas limité à la sphère impériale. « Ô Richard, Ô mon Roi ! » toujours du même Grétry et qui figurait dans son opéra « Richard Cœur de Lion » avait été entonné par les nobles qui défendaient le Roi le 10 août 1792, et, par la suite était devenu un hymne royaliste. Grétry, toujours lui avait composé en 1769 un air pour un pièce (« Lucile » de Marmontel) « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? ». Il fut l’hymne royaliste non-officiel après 1815, mais, apprécié de Napoléon, la musique de la garde l’avait mis à son répertoire.

À côté de ces emprunts au répertoire lyrique (et populaire), on trouve, aussi les nombreuses compositions de l’époque révolutionnaire et celles de commande de l’Empire : Gossec, Méhul (le chant du départ), Lesueur (la marche du sacre). Aux nombreuses marches, pas redoublés de ces compositeurs s’ajoutaient les compositions spécifiques de Gebauer et de David Buhl, ce dernier attaché aux musiques de la garde à cheval et compositeur des fanfares et ordonnance de la cavalerie.

Mais comme nous l’avons indiqué, Gebauer a beaucoup réalisé d’arrangements, et c’est probablement l’aspect le plus méconnu de la musique, dite militaire de l’époque…elle jouait beaucoup de compositions très « civiles », mais néanmoins entrainantes, voire martiales.

Là encore, nombre de marches et d’air étaient empruntés à des œuvres lyriques surtout italiennes.

On sait que Paisiello était le compositeur favori de Napoléon. Il fournit d’ailleurs des marches comme indiqué par le Moniteur du 5 juin 1802 « la musique de la Garde a exécuté une marche de la composition de M Paesiello, où l’on a reconnu la touche de ce célèbre compositeur. Ella produit un grand effet. »

On trouve aussi les noms de Viotti, Fioravanti et surtout Haydn. Nombre de marches et valses du grand compositeur autrichien ont retenti aux Tuileries. On sait que Gebauer, parfaitement germanophone, avait lors de ses séjours en Allemagne et Autriche lors des campagnes entre 1805 et 1809 approfondi ses connaissances musicales. Mozart fut-il joué lui aussi ? C’est possible, mais il n’était réellement connu en France que depuis une petite dizaine d’années et ses œuvres moins répandues. Beethoven ? Le dictionnaire historique des musiciens, déjà cité et daté de 1810, ne lui accordait qu’une place assez mineure tout en reconnaissant qu’il est un des compositeurs « les plus en vue ».

Que portaient-ils ?

On semble, a priori, bien connaître l’uniforme des musiciens des grenadiers à pied la garde. Comme souvent en matière d’uniformologie, ce jugement est assez illusoire car fondé sur la copie servile d’une source sur l’autre jusqu’à en oublier les origines !

En fait, de quelles sources disposons-nous ?

En matière de textes officiels, de très peu de choses…On a pour la Garde du Directoire Exécutif, un arrêté en date du 7 messidor an VI

« Les musiciens de la garde porteront le même uniforme que la garde à pied, à l’exception du revers qui sera bleu. Ils auront sur le collet, les revers et les parements le galon adopté pour les musiques des demi-brigades d’infanterie. »

C’est là un bien curieux uniforme qui dérogerait aux règles habituelles puisque nos musiciens auraient des revers bleus sur un fond d’habit bleu ! En fait, soit il s’agit d’une erreur de copie, soit ce ne fut guère appliqué puisqu’un autre texte quelques mois après indique que c’est la même tenue que pour les grenadiers (donc revers blancs) mais avec le galon de 10 lignes en or aux coutures.

Et…c’est tout !

Le texte le plus précis sur le sujet se trouve dans l’histoire de l’ex-garde publié en 1821. Il mentionne un habit bleu aux revers, pattes, parements, collet, passepoils et doublures cramoisies, trèfles en or sur cramoisi, culotte blanche, bottes à retroussis et chapeau bordé d’or avec plumet blanc et l’intérieur garni de plumes rouges et blanches. Il indique par ailleurs que le cramoisi fut remplacé par de l’écarlate à l’époque du mariage de l’empereur et que de même, les bottes devinrent « à la souvaroff », la culotte fut remplacée par un pantalon, le plumet eut une base écarlate.

Les archives sont par ailleurs assez muettes sur le sujet. Tout au plus disposons-nous des états de liquidation après 1815, ainsi que de longues explications fournies par l’ex-capitaine d’habillement au sujet des choix exprimés par l’Empereur et des fournitures réalisées.

L’iconographie, quoique plus abondante reste assez parcellaire.

Pour la période 1800 à 1804 nous avons principalement :

  • Les très belles gravures en couleurs de Chataignier et Poisson, ainsi que leurs projets originaux à la plume et au lavis : un cymbalier et un musicien
  • La série de Potrelle : un musicien et un fifre
  • Les gouaches de Hoffmann dont ils existent plusieurs versions : à la bibliothèque nationale de France, dans la collection Brown, en vente chez un grand libraire-antiquaire parisien : cymbaliers et musiciens.

Pour l’Empire de 1805 à 1815 :

  • La célèbre gravure Martinet qui confirme très exactement le texte de l’histoire de l’ex-garde
  • Une planche du manuscrit de Zimmerman qui montre un « musicien de la garde »
  • Un dessin au lavis de Zix montrant une musique, probablement de la garde jouant lors de l’abattement de la colonne de Rossbach en 1806.
  • La représentation de la musique de la garde dans le jardin des Tuileries lors du mariage de l’Empereur dans la grande peinture qui représente l’arrivée du cortège.
  • De nombreuses séries de petits soldats d’Alsace, la plupart non strictement contemporaines mais élaborées à Strasbourg où se trouvait au moins un ancien de la musique de la garde, Vogt.

Qu’en conclure ?

La plupart des iconographies confirment globalement la description de l’histoire de l’ex-garde pour la grande tenue à deux exceptions près :

  • Il semblerait, selon la planche de Hoffmann de la bibliothèque nationale, que la couleur du fond de l’habit des musiciens fut plus un bleu céleste « soutenu » en 1804 que le bleu impérial foncé. Ceci est cohérent avec la tradition remontant à l’Égypte d’avoir les musiciens, trompettes et tambours vêtus en bleu céleste, tradition adoptée par la Cavalerie de la Garde et les Marins. Selon les mêmes sources, le plumetis du chapeau était tricolore.
  • Les cymbaliers étaient les musiciens de couleur. Chataignier et Poisson donnent un costume exotique mais assez simple. Hoffmann dans les séries figurant à la bibliothèque nationale et dans la collection Brown leur a attribué une tenue reprise de celle portée par le même type de musicien dans les Gardes Françaises. La planche représentant un cymbalier se trouvant chez un libraire nous le montre portant l’habit habituel de musicien mais coiffé avec une toque exotique. Était-ce sa petite tenue ?

Pour la petite tenue, le lavis de Zix nous montre les musiciens portant un surtout, culotte blanche et petites guêtres. Il n’est cependant pas prouvé qu’il s’agisse là de la musique de la Garde quoique la présence de l’Empereur laisse supposer cela.

Il y a aussi l’étonnant musicien de Zimmermann daté de 1806-1807 qui lui aussi porte un surtout mais galonné d’or à toutes les coutures, avec un gilet lui aussi galonné d’or. Cet uniforme n’est pas impossible car il distinguerait nettement les musiciens de la Garde par ses riches broderies.

Yves Martin - Droits réservés Epopées.

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